http://www.senat.fr/questions/base/2016/qSEQ160320512.html
Question écrite n° 20512 de Mme Stéphanie Riocreux (sénatrice d’Indre-et-Loire)
Mme Stéphanie Riocreux appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur le rapport adopté le 11 février 2016 à l'unanimité par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, intitulé : « 2006-2016, un combat inachevé contre les violences conjugales ».
Ce rapport fait une évaluation des dispositifs de lutte contre les violences faites aux femmes et avance plusieurs recommandations. Il suggère notamment d'adresser une circulaire aux procureurs encourageant la caractérisation du délit de harcèlement psychologique au sein du couple, défini par l'article 222-33-2-1 du code pénal (« fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale », dont l'auteur peut aussi être un ancien conjoint, concubin ou partenaire), et d'initier une réflexion sur la possibilité de modifier la nomenclature d'enregistrement des dossiers, afin de pouvoir caractériser les dossiers relatifs aux violences faites aux femmes traités au sein des juridictions.
Elle lui demande quelles suites il pourrait réserver à cette proposition.
Réponse du Ministère de la justice publiée dans le JO Sénat du 29/12/2016 p. 5652
Le rapport adopté le 11 février 2016 par la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, intitulé : « 2006-2016, un combat inachevé contre les violences conjugales », recommande d'adresser une circulaire aux procureurs encourageant la caractérisation du délit de harcèlement psychologique au sein du couple, défini par l'article 222-33-2-1 du code pénal issu de la loi du 9 juillet 2010.
La circulaire du 3 août 2010 de présentation des dispositions de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants indique que l'objet de cette infraction est de prendre en compte la spécificité des situations de violences psychologique au sein du couple, rappelant que le harcèlement se caractérise par une succession de comportements, qui peuvent être insignifiants de prime abord, mais dont l'accumulation entraîne une dégradation des conditions de vie de la victime. Cette circulaire rappelle également que les dispositions interprétatives de la loi relatives aux violences psychologiques et l'incrimination de harcèlement au sein du couple ne sont pas antagonistes mais complémentaires.
Outre cette circulaire de présentation, la circulaire du 24 novembre 2014 d'orientation de politique pénale en matière de lutte contre les violences au sein du couple est venue préciser les grands axes de la lutte contre les violences conjugales, rappelant que la politique pénale en la matière trouve son efficacité dans une approche globale de la question, envisagée à chacune de ses étapes : la prévention des violences, le choix et les modalités des poursuites, l'exécution des peines et l'accompagnement des victimes. Elle invite notamment les procureurs de la République à donner des instructions destinées à améliorer la qualité des enquêtes, s'agissant tant de la nature que du contenu des investigations devant impérativement être réalisées dans les procédures de violences au sein du couple. Il est préconisé que ces instructions s'accompagnent de la diffusion de procès-verbaux types et de trames d'audition définies de manière concertée avec les autorités de police et de gendarmerie, et que des instructions soient données en matière de constatations médico-légales, en lien avec les unités concernées, afin de favoriser les examens de victimes, d'en faciliter les conditions matérielles et de déterminer les conséquences physiques ou psychologiques des violences ou du harcèlement.
La lutte contre les violences commises au sein du couple constitue, depuis plusieurs années, l'une des priorités d'action du ministère de la justice et, sous son impulsion, des procureurs de la République. Depuis 2005, six dépêches et circulaires sont venues renforcer la protection des victimes et coordonner la politique pénale en la matière. Au regard du caractère récent et global de la dernière circulaire, il n'est pas envisagé de nouvelle instruction portant spécifiquement sur la caractérisation du délit de harcèlement psychologique au sein du couple. En outre, la nomenclature d'enregistrement des dossiers permet de recenser depuis plusieurs années les infractions de violences par conjoint ou concubin, étant précisé qu'il n'est cependant pas possible de distinguer parmi elles les violences faites aux femmes. Le nombre de condamnations pour délit de harcèlement psychologique au sein du couple, défini à l'article 222-33-2-1 du code pénal, est en constante augmentation depuis 2010. Ainsi, huit condamnations ont été prononcées en 2010, 87 en 2011, 153 en 2012, 165 en 2013 et 239 en 2014. Cette évolution est le signe d'une évolution favorable des plaintes en matière de comportements harcelants et d'une bonne prise en compte de ces procédures par les parquets et juridictions.